François Jullien

François Jullien est philosophe et sinologue, ancien élève de l’École normale supérieure, il est Professeur à l'université Paris-Diderot et est titulaire de la chaire sur l’altérité créée à la Fondation Maison des sciences de l’homme. Il a reçu en 2011 le Prix Hannah Arendt pour la pensée politique et le grand prix de philosophie de l'Académie française pour l’ensemble de son œuvre, qui porte sur la pensée chinoise dans son rapport à la philosophie grecque et européenne, les notions d’universel et d’écart culturel. (Le Détour et l’accès. Stratégie du sens en Chine, en Grèce, Grasset en 1995 ; Un sage est sans idée. Ou l’autre de la philosophie, Seuil en 1998). De ce dialogue ouvert entre les langues et les pensées de la Chine et de l'Europe, il a dégagé au fil de son oeuvre une pensée du « vivre » et un nouveau concept d'existence, sans rapport avec l’existentialisme, dont on peut suivre les développements, à travers sa réflexion sur l'« intime », le « paysage », la « dé-coïncidence » et l'« inouï ». (Du « temps ». Éléments d’une philosophie du vivre, Grasset, 2001; Dé-coïncidence. D'où viennent l'art et l'existence?, Grasset, 2017, et plus récemment Si près tout autre, De l'écart et de la rencontre, éd. Grasset, 2018 et L’inouï, éd. Grasset, 2019.)

Une sélection de ses nombreux livres a fait l’objet d’une publication séparée (La pensée chinoise dans le miroir de la philosophie, Seuil, 2007). Il est l’un des penseurs contemporains les plus traduits dans le monde et de nombreux travaux et colloques lui ont été consacrés, notamment des cahiers de l’Herne.

Son dernier ouvrage  De la vraie vie, éd. L’Observatoire, 2020 a été sélectionné pour le prix des lecteurs d’Uriage

  Un jour ou l’autre, ce soupçon envahit chacun. Femme ou homme, jeune ou vieux, savant ou pas, nous nous demandons, soudain : « Et si je faisais fausse route ? » Serions-nous en train de perpétuer une existence figée, amoindrie, factice, rabougrie ? Se pourrait-il que ce ne fût pas la vraie vie ? Qu’il y en ait une autre ? Plus intense, plus libre, plus pleine ? Plus surprenante que cette routine, cette pseudo-vie. Plus heureuse, éventuellement. Plus authentique, en tout cas.

Paradoxe de ce malaise si commun : nous sommes vivants, mais nous avons d’un coup l’impression de l’être moins, ou pas encore, voire pas du tout. « Das Leben lebt nicht » (« La vie ne vit pas »), inscrit Theodor Adorno en exergue de ses Minima Moralia. « La vraie vie est absente mais nous sommes au monde »… C’est à Rimbaud qu’Emmanuel Levinas emprunte pour sa part l’incipit de Totalité et infini. François Jullien, dans son nouvel essai, De la vraie vie, rappelle ces formules, les creuse. Le philosophe se confronte à ce qu’elles ont d’énigmatique…

(extraite de l’article de Roger Pol-Droit, Le Monde, 6 juin 2020)